Cotations des perfusions : 10 ans d’instabilité, un flou tarifaire devenu intenable
Le 14 avril dernier s’est tenu un groupe de travail avec la CNAM consacré aux cotations des perfusions. Cette réunion s’inscrit dans un contexte particulièrement tendu, marqué par une grande hétérogénéité dans l’application des règles de facturation, une insécurité juridique croissante pour les infirmiers libéraux, et une absence totale d’harmonisation nationale.
Un historique complexe, des pratiques évolutives
Depuis 2014, les actes de perfusion suivent les règles émises lors de négociations. Une circulaire de cette même année reprenait alors les modalités de mise en œuvre[1]. Pour rappel, une circulaire est un document de la CNAM pour le réseau des CPAM qui vise à expliquer les modalités de mise en œuvre d’un avenant ou d’une convention. Ce document ne nécessite pas de validation des organisations syndicales. Au fil des années, les pratiques de terrain ont évolué, notamment sous l’influence massive des prestataires de santé. Progressivement, des départements en sont venus à établir leur propre interprétation des règles applicables de la NGAP avec, dans certains départements, la cotation de plusieurs séances de perfusions longues par jour. En parallèle, d’autres CPAM refusaient de telles dérogations, créant une hétérogénéité des cotations sur le territoire.
En 2023, certaines CPAM sont revenues sur une nouvelle interprétation du texte, sans information préalable des infirmiers ou de leurs représentants syndicaux. A savoir que la séance de perfusion longue ne pouvait être appliquée qu’une fois par semaine à l’occasion d’un changement de pansement de voie veineuse centrale ou d’une aiguille dans le cadre des chambres implantables. Décision qui a généré sur son passage des indus rétroactifs. De nombreuses CPAM ont commencé à suivre ce modèle et la situation devenait telle qu’en 2024 plus personne ne savait réellement comment facturer les séances de perfusion. D’un côté les Idel craignaient de se tromper et d’avoir des indus, d’un autre les organisations syndicales (conscientes de ce qu’elles avaient négocié en 2014) expliquaient les modalités de facturation, en opposition donc avec ce que les CPAM préconisaient, et enfin les organismes de formation ne savaient plus comment facturer au plus juste sans risque de conduire les Idel à des contentieux.
Pour le Sniil une telle situation est intolérable. Une convention nationale et ses avenants ne peuvent être interprétés à géométrie variable d’un département à l’autre. Il est donc urgent de rétablir une application uniforme de la NGAP, que l’on exerce en métropole ou en Outre-mer.
Une situation transitoire avant de futures négociations
Afin de rétablir une homogénéisation des pratiques sur l’ensemble du territoire, des discussions avec la CNAM ont été lancées en attendant de nouvelles négociations. Discussions qui avancent lentement car la dépense en perfusions est devenue trop importante pour l’Assurance Maladie qui néglige le fait que le nombre de patients pris en charge augmente chaque année en parallèle de la diminution du temps d’hospitalisation. Lors du groupe de travail du 14 avril, la CNAM a présenté un logigramme destiné à guider les infirmiers dans la facturation des actes de perfusion en fonction des situations, souvent spécifiques selon les différentes prescriptions. Le Sniil rappelle qu’en l’absence de nouveau texte négocié, les règles de 2014 doivent rester la référence. Il n’est pas acceptable que la séance de perfusion longue soit limitée à une fois par semaine.
Modalités de facturations inadaptées et dérives des prestataires
Les cotations de perfusion ne sont plus en adéquation avec les pratiques actuelles. Il est essentiel que lors des futures négociations les cotations reviennent en adéquation avec la réalité de terrain. La CNAM doit également opérer un travail de régulation auprès des prestataires de santé qui ont progressivement générés de nouvelles pratiques. Tous les traitements actuellement IV doivent-ils être en mode perfusion sous diffuseur ? Certains traitements ne relèvent-ils pas de simples IVD ? Le diffuseur est-il le système optimal de toute prise en charge ? Pompes et gravité ont également du sens dans certaines situations. A ce titre, les prestataires ont leur part de responsabilité dans les pratiques de perfusion et l’augmentation des dépenses en ville.
Le Sniil appelle à l’union
La division au sein de la profession suite aux publications d’un certain syndicat ne servira que la cause de la CNAM et sera bien entendu au détriment de la profession. Les négociations locales, souvent guidées par les intérêts ponctuels ou les décisions de certaines CPAM, ne peuvent se substituer à une approche nationale. Depuis trop longtemps ces pratiques ont amené à des difficultés, il est impératif désormais qu’une seule application des règles ne soit possible sur tout le territoire.
Le Sniil continuera à défendre une application équitable et cohérente des textes sur l’ensemble du territoire, et à exiger l’ouverture rapide de négociations pour adapter enfin les cotations à la réalité des soins de terrain.