Réforme du système de santé : sommes-nous dans l’impasse ?
Ces derniers mois ont été très mouvementés autant sur le plan législatif que conventionnel. Les différentes propositions de loi et autres mesures au point mort pénalisent, non seulement le système de santé, mais nuisent également aux conditions de travail des professionnels. Pourquoi autant d’immobilisme face à une situation qui devient catastrophique ?
L’annonce du report de la généralisation du Bilan de Soin Infirmier (BSI) et de ses modalités de facturation est tombée comme un coup de massue sur la profession. Cet outil représente une évolution importante dans la prise en charge des patients dépendants par les IDEL. Le report de sa généralisation met en exergue, une fois de plus, l’incohérence du système de santé qui ne peut pourtant faire l’économie d’une meilleure prise en charge des patients les plus vulnérables.
Preuve en est de ces incohérences, pour sa proposition de loi Bien Vieillir, le ministère n’a pas trouvé utile, voire primordial, de consulter les représentants de la profession infirmière, allant même jusqu’à ne pas donner suite à une demande de rendez-vous des représentants du Sniil. Comment ne pas prendre cela comme une forme de dénigrement de la profession ? Comment les dirigeants peuvent encore ignorer l’importance de travailler avec les représentants de la profession ? Comment peuvent-ils imposer aux professionnels de santé un exercice coordonné (qui est devenu indéniable pour plus d’efficience) alors qu’eux-mêmes ignorent la collaboration avec les corps intermédiaires ?
Depuis le report de la généralisation du BSI, nous sommes toujours dans l’attente de l’ouverture de négociations avec la CNAM afin d’aborder le sujet de la revalorisation des déplacements et des actes qui n’ont pas été revus depuis plus de 10 ans. Il est inacceptable d’ignorer plus longtemps encore la nécessité de ces revalorisations dans un contexte où l’inflation ne cesse que de croître.
Mais bien avant cela, la proposition de loi Rist a mis en avant le profond malaise existant au sein de notre société et notamment à travers la relation entre les professionnels de santé. Cette PPL montre, une nouvelle fois, le manque d’ambition et de courage des politiques qui ne sont pas prêts à prendre les problèmes à bout de bras et ne se contentent que de mesurettes. En décidant de restreindre l’accès direct aux IPA aux seules structures de MSP, la Commission Mixte Parlementaire (CMP) va à l’encontre des enjeux du système de santé. Un élargissement de cette proposition de loi aux CPTS aurait pourtant permis d’être, pour une fois, en cohérence avec les ambitions annoncées. Pourquoi ne pas avoir engagé une réelle réforme, plutôt que se contenter d’une proposition de loi, pour revoir le système de santé plus en profondeur ? Cela aurait été l’occasion d’exploiter le maillage territorial des IDEL en leur laissant davantage d’autonomie sur la prise en charge des patients dépendants et porteurs de plaies. Sans surprise, cela n’a même pas été envisagé.
La proposition de loi Horizons, qui pourrait revenir à l’ordre du jour en juin, aura-t-elle l’ambition d’aller plus en avant ? Pour rappel, le texte, avant son abandon, prévoyait la création d’un statut d’infirmier référent. Cette demande de la profession qui constituerait une véritable avancée dans l’organisation du système de santé sera-t-elle de nouveau proposée dans le prochain texte ou le député Valletoux préfèrera-t-il un texte à minima afin de ne pas faire de vagues ?
Le Ministre Braun l’avait annoncé lors de ses vœux « 2023 sera l’année des infirmières et infirmiers » et mettait en avant les travaux tant attendus depuis plusieurs années de la réingénierie de notre métier. Alors que les grandes lignes se précisent, se pose la question de la concertation. La DGOS a déjà tracé les orientations de la réingénierie et demande de travailler sur ces éléments préétablis plutôt que d’ambitionner une vraie révolution de notre métier. Il sera totalement irréaliste de penser le futur de la profession infirmière sans prendre en compte les spécificités de l’exercice libéral.
A ce stade, nous pourrions penser que ces aberrations auraient suffi à entériner le système de santé, mais afin de démotiver complètement les professionnels libéraux, les dispositifs législatifs continuent de tomber jetant le discrédit sur les professionnels et surtout ne visant qu’à décourager les plus motivés par crainte de mal faire.
L’article 102 de la loi de financement pour la sécurité sociale 2023 permettant de fixer un indu de façon forfaitaire par extrapolation à tout ou partie de l’activité, pesait déjà sur la charge mentale des IDEL. Une proposition de suspension automatique de la prise en charge des cotisations en cas de fraude détectée et avérée, est venue ajouter encore plus de pression. Conscient que l’importance de la lutte contre la fraude n’est pas à négliger, le Sniil s’interroge sur le bien fondé d’un dispositif punitif supplémentaire alors que la profession attend plutôt des mesures incitatives et qu’enfin la confiance s’instaure entre les instances et les professionnels.
Dans ce contexte tendu, il est légitime de se demander ce qu’attendent les décideurs pour passer à la vitesse supérieure. Notre système de santé est arrivé à son paroxysme, il doit évoluer et rapidement pour ne pas mettre en danger la santé des patients ni celle de leurs soignants. L’une des solutions prônée par les pouvoirs publics est le maintien à domicile des patients, encore faudrait il en donner les moyens aux professionnels pour que cela devienne une réalité et non plus une lubie.
Davantage d’ambition et de volonté sont attendues de pied ferme pour faire évoluer la profession. Le temps des demi-mesures est révolu, l’heure est à la reconnaissance et à la valorisation des professionnels de santé. Comment est-il possible qu’aujourd’hui encore on puisse ignorer l’avis et les recommandations des infirmiers libéraux qui sont confrontés à la réalité du terrain au quotidien ? L’ouverture d’un véritable dialogue entre toutes les parties prenantes n’est pas une simple requête mais une urgente nécessité.